Ce livre aurait pu s'intituler L'archeveque et les cadavres. De fait, on
y trouve un cadavre qui saigne devant un meurtrier, des mauvais coups,
des fureurs, de funestes destins. Mais tout, ici, passe par la doctrine:
la violence affecte le discours et l'evenement central est constitue par
la condamnation, en 1286, de theses universitaires, tenues a
l'universite d'Oxford, portant essentiellement sur la nature du corps du
Christ mort. Or il se trouve que l'auteur de cette condamnation,
l'archeveque franciscain Jean Peckham avait ete, trois ans avant cette
condamnation, au centre d'une affaire de denonciation miraculeuse et
publique de ce que certains consideraient comme son injustice
criminelle: les ossements de l'eveque Thomas de Cantiloupe, mort en
exil, avaient saigne en traversant la province du persecuteur. Grace a
une analyse minutieuse du texte de la censure et de ses divers
contextes, l'auteur lance des propositions nouvelles sur les pratiques
universitaires medievales, sur la fortune et l'infortune du thomisme,
sur la dynamique des concepts et des disciplines scolastiques, sur les
articulations entre mentalites communes et culture savante, entre
spiritualite et savoir ainsi que sur l'emergence de la formalisation
scientifique... Alain Boureau, directeur d'etudes a l'EHESS est
medieviste. Parmi ses nombreux ouvrages, on compte La Papesse Jeanne
(1988), Le Droit de cuissage. Histoire de la fabrication d'un mythe
(1995). Aux Belles Lettres, ses dernieres publications sont La Religion
de l'Etat. La construction de la Republique etatique dans le discours
theologique de l'Occident medieval. 1250-1350 (2006), L'Empire du livre.
Pour une histoire du savoir scolastique. 1200-1380 (2007) et De vagues
individus. La condition humaine dans la pensee scolastique (2008).