L'essai de F. H. Jacobi Sur l'entreprise du criticisme de ramener la
raison a l'entendement ouvre la voie a une comprehension differente du
moment idealiste et a une lecture alternative, aussi eloignee des
interpretations phenomenologiques que neokantiennes, de la Critique de
la raison pure et des pensees qui en sont issues. De tous les
commentaires que les contemporains de Kant ont pu donner de la premiere
Critique, il est, malgre diverses incomprehensions, l'un des seuls qui
conservent encore aujourd'hui une pertinence. Avec la Lettre a Fichte,
dont il est le prolongement, il offre en effet une premiere elaboration
philosophique du concept de nihilisme. Le diagnostic qu'il etablit doit
alors se comprendre non seulement comme le point d'aboutissement des
querelles theologicophilosophiques qui, a la fin du XVIIIe siecle, ont
mis aux prises la philosophie de la religion et la theologie
speculative, mais aussi comme un jugement qui engage a lui seul tout
l'avenir du postkantisme. Ecrits au moment de la querelle de l'atheisme
et contemporains de la formation des grands systemes idealistes, ces
deux textes constituent un document irremplacable pour qui veut
comprendre le devenir de la philosophie moderne: apres l'injonction de
Jacobi a affronter directement la question du neant, jamais plus une
philosophie ne pourra faire l'economie de ce probleme.