Ciceron a beaucoup oeuvre au developpement de theories philosophiques,
rhetoriques, dialectiques qui avaient cours en grec. Ce souci
pedagogique de rendre accessibles a ses concitoyens les rudiments de la
culture la plus raffinee passe, entre autres choses, par la latinisation
de nombre de notions grecques. Cette etude s'attache a montrer la
methode ciceronienne de traduction et d'adaptation de termes grecs en
latin, en exploitant toutes les correspondances bilingues qui sont
explicitees par l'orateur dans ses traites. Au-dela de la simple
nomenclature (qui, en elle-meme, peut rendre des services aux lecteurs
interesses par les lexiques de specialite), cet essai plonge au coeur
meme du processus cognitif d'adaptation d'une terminologie dans une
autre langue. Les solutions latines que Ciceron donne en regard d'un
terme grec, lui-meme designe sans ambages, mais aussi les variantes
qu'il en propose, ses hesitations, ses recusations, ses incoherences
indeniables d'un texte a l'autre sont autant de cles qui ouvrent la
porte du laboratoire de la neologie latine et laissent entrevoir une
pensee confrontee a deux systemes linguistiques en meme temps. On
s'attache a montrer comment la forme phonique du mot grec, sa
morphologie, son sens influent d'une maniere decisive sur le choix d'un
correspondant latin; on s'interesse aussi aux enonces qui rassemblent,
dans une ou deux propositions ramassees, le terme originel et son (ses)
correspondant(s) latins: s'esquisse ainsi une sorte de grammaire du
metalangage en latin. On fait egalement une place a l'etude de ce
systeme d'enonciation particulier du bapteme lexical dans lequel le
locuteur se presente comme un onomaturge. A ce titre, cet essai est
destine a tout specialiste des langues anciennes mais aussi a tout
lecteur qu'interessent les phenomenes psycho-linguistiques du
bilinguisme, de la traduction et de la terminologie.