En 1979 paraissait le premier volume du Rabelais Restitue: l'etude
consacree au Pantagruel; en 1985, le tome 1 (du prologue au chapitre
XXIV) et en 1990 le tome 2 (du chapitre XXV a la fin) de l'etude
consacree au Tiers Livre, il est donc connu des Rabelaisants que Marc
Berlioz a l'audace insensee de s'opposer ouvertement aux glossateurs qui
enferment Rabelais dans une interpretation edifiee a la mesure de leur
incuriosite, de leur incompetence ou de leurs prejuges, ces glossateurs
fussent-ils consideres comme les plus eminents. Il s'oppose a eux sans
retenue et sans les euphemismes d'usage, riant de leurs bevues non pas
parce que ce sont des bevues (il en commet aussi) mais parce qu'elles
sont enoncees d'un ton peremptoire; d'ou les traditionnelles petites
represailles couillonniformes, parfaitement vaines. Car l'important
reste pour lui qu'on reconsidere, qu'on reexamine encore et encore un
texte que l'on croit avoir si bien et si totalement compris que certains
n'hesitent pas, en fin de carriere surtout, a produire des vues
d'ensemble, des Rabelais, des Francois Rabelais qui ne font que
reprendre les erreurs d'interpretation les mieux mitonnees sans laisser
place a la moindre remise en question. Or cette presente etude du Tiers
Livre le demontre une fois de plus: a chaque chapitre se revelent des
intentions de Rabelais souvent fort eloignees de celles qu'on tient pour
intangibles attendu qu'elles sont celles de la vue conventionnelle qui
tire, comme on sait, toute son autorite de l'inlassable repetition. Marc
Berlioz n'a cure de la convention; il reinterprete, degageant
l'intention qui lui parait la plus plausible, la mieux fondee, sans
toutefois pretendre rien donner qui soit definitif, incitant au
contraire chacun a verifier, juger, discuter, reprenant frequemment a
son compte la formule qu'emploie Panurge: Cela, sauf meilleur jugement,
toujours. Comme les precedentes, cette etude du Tiers Livre montre a
l'evidence que l'on a grand tort, d'abord de tenir pour figee la
comprehension du texte de Rabelais; ensuite de prendre pour guide tel
mandarin qui donne ses propres limites a la comprehension de ce texte,
limites dans lesquelles reste servilement chacun des sous-mandarins
qu'il regit. C'est a une libre decouverte, a une reflexion personnelle,
eventuellement a un prolongement, voire a une contestation que Marc
Berlioz convie son lecteur.