Sans cesse nous posons des jugements. Aussitot que nous croyons y
echapper, la scalarite des valeurs nous rejoint. Nous avons beau prendre
les precautions d'usage, decrire le contexte en choisissant de paraitre
complets, l'ame humaine reprend son droit: parler n'est jamais neutre.
Ecouter l'est moins encore. Nous posons des jugements parce que nous
interpretons et que le langage, a travers ses procedes, sa construction
collective de la realite, y invite. On dira de l'un qu'il est trop poli
pour etre honnete, de l'autre au contraire qu'il est trop honnete pour
etre poli. C'est en effet la spontaneite qu'on interroge dans son
rapport avec la reflexion. Le temps de l'ecriture contient la science,
la classification mais elle perd la supreme nature. On pensait l'affaire
close depuis l'avenement de l'image; voila que la projection
extraordinaire du courrier electronique sur la Toile nous ramene au
coeur du debat. Deja, les cris fusent pour denoncer l'impolitesse du
procede. Ce volume represente les actes du colloque qui, en novembre
1998, a reuni a Louvain-la-Neuve une trentaine de chercheurs
francophones qui avaient accepte de se rencontrer pour un haletant
parcours: l'exploration des rapports entre linguistique et litterature
autour du theme de la politesse des echanges et de la rhetorique des
conservations. Ces univers scientifiques distincts nous rappellent la
vocation de la politesse a agir dans la science classique comme
denominateur commun du savoir et du savoir-vivre. La neutralite de la
parole est contenue dans le discours complaisant, avenant, facilitateur
de la politesse. Non seulement parce qu'il manque de profondeur, mais
peut-etre aussi parce qu'il montre par moments les conditions d'action
de ce dialogue ideal: le refus d'interpreter le discours en intentions.