Penser, ecrivait Platon, c'est toujours penser quelque chose, quelque
chose qui est. Aussi, l'etre ne va-t-il jamais sans un minimum de
determination, celle que confere l'unite et le nombre. Prolongeant la
reflexion platonicienne, Plotin conclura que l'Un et le nombre
preexistent a la pensee et aux etres s'il est vrai qu'on ne peut rien
penser sans leurs concours. De la est nee une philosophie originale qui
fait de l'Un le principe premier et de l'etre un ensemble systematique
bien ordonnance. La conclusion plotinienne n'est pas sans consequences,
puisqu'elle fait de la determination attachee a l'etre (qui s'exprime en
termes de limite et de forme) la manifestation d'une perfection
desormais seconde. Elle ouvre egalement a de nouvelles interrogations:
comment la determination de l'etre peut-elle trouver son origine dans
l'indetermination de l'Un?, comment la matiere, pourtant illimitee et
sans forme, peut-elle proceder de l'etre et de la limite? Elle mene
enfin a reconnaitre dans l'ordonnancement de l'etre l'existence de
tensions opposees - d'unification et de pluralisation - qui temoignent
de l'attraction exercee par l'Un et la matiere.