Presentation et commentaire du cycle iconographique du manuscrit BnF,
fr. 344, qui offre une lecture remarquable du cycle du Graal et offre de
nouvelles pistes pour l'exploration de l'iconographie romanesque a la
fin du XIIIe siecle. Le Lancelot-Graal, dont les differentes parties ont
ete redigees entre la toute fin du XIIe siecle et la premiere moitie du
XIIIe siecle, constitue l'un des plus grands cycles romanesques en prose
du Moyen Age. Il se compose de cinq branches dont l'ordre diegetique:
l'Estoire del Saint Graal, le Merlin et sa Suite, le Lancelot en prose,
la Queste del Saint Graal et la Mort Artu, ne suit pas la chronologie de
la composition. Le cycle raconte l'histoire du Graal, depuis ses
origines et jusqu'a sa conquete par le Bon Chevalier Galaad, et les
aventures de Lancelot, heritee du Chevalier de la Charette de Chretien
de Troyes. Il dessine habilement une histoire capable de reunir les
temps christiques a ceux du royaume Arthurien et d'embrasser des
discours varies issus de la Bible, de la litterature exemplaire, de la
pensee theologique et du roman courtois. Plus de cent quarante
manuscrits conservent encore aujourd'hui tout ou partie du
Lancelot-Graal, ce qui temoigne d'un succes jamais dementi du XIIIe au
XVe siecle et d'un prestige dont de nombreux princes et souverains,
d'Henri IV de Luxembourg a Jean de Berry et Jacques d'Armagnac, ont
voulu se parer. Pourtant, les manuscrits reunissant toutes les branches
du cycle sont relativement peu nombreux. Cette etude iconographique se
concentre sur les cinq manuscrits les plus anciens comprenant
l'integralite du Lancelot-Graal, produits entre la fin du XIIIe et le
debut du XIVe siecle: Bonn, ULB, S 526; Paris, BnF, fr. 110 et fr. 344;
Londres, BL, Add. 10292-294 et un volume actuellement disperse entre
plusieurs collections (l'ex-Amsterdam, BPH, ms 1, Manchester, Rylands,
ms Fr. 1, et Oxford, Bodleian, Douce 215). Le cycle iconographique de
BnF, fr. 344, reproduit dans son integralite, fait l'objet d'un
commentaire systematique. Ce manuscrit d'origine messine ou verdunoise,
que l'on peut rapprocher sur le plan stylistique des tresors enlumines
de Renaut de Bar, eveque de Metz entre 1302 et 1313, presente plus de
trois cents miniatures et initiales historiees. C'est un temoin de
l'importance du developpement de l'illustration des ouvrages de type
profane en langue vernaculaire a partir de la fin du XIIe siecle. Il
constitue une lecture attentive et remarquable du cycle du Graal et
permet d'explorer sous un angle nouveau la mise en place progressive
d'une iconographie proprement romanesque a partir des modeles clericaux.