Au XVIIIe siecle, dans le registre de l'art, ont lieu de nouvelles
experimentations anthropologiques qui dissolvent les presupposes
platoniciens de la beaute absolue. Les phenomenes esthetiques basculent
dans une valorisation sans precedent du relatif. D'une part, la beaute
est affaire d'experience perceptive. D'autre part, son contenu depend de
l'epoque, des institutions politiques, des coutumes et des modes. Le
dispositif theorique qui contribue a ce renversement de perspective peut
etre nomme en philosophie l'empirisme. A l'interieur de ce nouveau
regard sur la beaute, les positions de philosophes comme Hutcheson,
Hume, Smith ou Reid s'averent profondement novatrices. Ces pensees, a
travers le souci d'une enquete sur la nature humaine, dressent un
portrait de l'homme esthetique dans lequel percepts et affects
determinent une appreciation subjective de l'art. La beaute est une
modalite essentielle de la tonalite affective de l'homme et indique un
nouveau rapport a soi. Elle est aussi un instrument de la distinction
sociale car elle participe d'un questionnement sur le progres de la
civilisation, le degre de raffinement, et le developpement d'une societe
marchande qui l'integre dans le tableau de la prosperite, du luxe et de
la puissance. La reference a la beaute peut alors s'inscrire dans la
nouvelle donne individualiste puisqu'elle apparait comme une strategie
de vie au service des sentiments et de la consolidation d'un ordre
social nouveau, detheologise.