A l'entree de l'age classique, la definition traditionnelle des passions
qui a encore largement cours dans les innombrables traites sur le sujet,
est devenu intenable. La disparition de l'ame sensitive et la
reconsideration du concept de mouvement interdisent desormais de penser
les passions comme des mouvements de l'ame sensitive. Le Traite des
passions de Descartes nait du projet de renouveler completement leur
etude, porjet dont il faut etudier la genese, et notamment l'episode a
cet egard decisif, de la correspondance avec Elisabeth. Mais qu'en
est-il de la realisation de ce projet? Pour apprecier la nouveaute
introduite par Descartes dans le traitement de la question, il faut
brosser a grands traits la toile de fond sur laquelle ce discours se
detache, c'est-a-dire exposer la doxa sur les passions qui a cours a
l'epoque, et qui est tissee d'un reseau complexe d'heritages,
principalement thomiste, galenique, stoicien et augsutinien. L'analyse
du Traite joint a cette mise en perspective, permet de voir que ce texte
a la fois tres court et tres complexe, dont on a souvent souligne les
incoherences, est constitue non pas d'un, mais de deux discours. L'un
declare et appuye, issu d'un reve de la raison, et qui est celui des
passions; l'autre plus discret et presque clandestin, beaucoup moins
eloigne du discours de la doxa, et qui contredit les pretentions du
premier d'avoir raison des passions en rendant raison.