Le collectivisme efface les tracas personnels. La pensée unique édulcore
le drame. Le virus tue la polémique. La dictature répond aux
consciences. Tous les grands problèmes de la société d'avant ont été
résolus en 84 mesures politiques phares, mises en action les unes après
les autres par celui qui était au pouvoir, et à l'origine
démocratiquement élu, quand l'infernal complot a pris corps. Il est
devenu le Guide Suprême et il est accompagné non par un gouvernement
comme nous le définissions jusqu'ici, mais par un directoire qui s'est
construit sur les ruines de la République. Ils ont ainsi bâti la
dictature la plus complète et la plus sordide que l'humanité ait connue
jusqu'à ce jour. En 84 inhumanités. Progressivement mises en place.
Utilisant une pandémie mondiale pour venir à bout de toutes les
résistances et se servant de l'écologie pour justifier la consignation
des populations. Jeune homme, j'avais lu Orwell et Huxley. J'avais
frémi, mais pensé naïvement que ces auteurs qui avaient vu en leur temps
l'humanité basculer dans le fascisme et la dictature, dans le communisme
et dans l'horreur d'un monde malade, appartenaient à un autre temps.
J'avais pensé que l'humanité avait progressé, que la vie avait fait
leçon. Mais, en voyant où nous en sommes, en cet hiver 2026, perdus dans
la nuit des nuits du monde, j'ai compris que j'avais eu tort. Ma femme,
mon fils et moi-même, nous sommes condamnés à mort à court terme, sans
jugement et sans n'avoir commis d'autre délit que d'avoir survécu. Comme
ceux de notre village. Et j'aimerais vous raconter notre histoire, si
toutefois un jour, vous découvrez par hasard cet écrit.