Comment la philosophie de Hegel pourrait-elle encore promettre quelque
chose puisqu'elle est apparue, aux yeux des lecteurs contemporains,
comme une entreprise d'annulation du temps? Le savoir absolu n'est-il
pas le resultat du processus dialectique par lequel l'esprit releve
toute temporalite et par la toute surprise, l'evenement se produisant
toujours trop tard? D'une absence de pensee de l'avenir dans la
philosophie de Hegel decoulerait une absence d'avenir de la philosophie
hegelienne elle-meme. C'est contre une telle assertion que le present
ouvrage s'inscrit en faux; il se propose pour cela de travailler le
concept de plasticite, montrant comment il forme en profondeur, a la
fois comme sa structure et comme son rythme, le contenu speculatif. Est
plastique ce qui est susceptible de recevoir comme de donner la forme,
mais aussi de l'aneantir. Hegel degage ce concept de son sol natal,
l'art, pour le rendre a sa veritable origine: le developpement de la
subjectivite. Est dit plastique, en effet, le rapport que la
subjectivite entretient avec l'accident, avec ce qui arrive.
L'auto-determination apparait comme proces de temporalisation au sein
duquel la subjectivite, dans l'attitude contrastee d'un voir venir, se
donne et par la recoit sa propre forme, anticipant son avenir tout en
renoncant a en maitriser l'irruption. La plasticite du concept hegelien
de temps est le foyer de resistance clandestin ou se prepare la reponse
a l'accusation de vulgarite portee par Heidegger a l'encontre de ce meme
concept.