Quel lien l'homme du XVIIe siecle etablit-il entre la recherche de Dieu,
sa premiere preoccupation, et l'expression litteraire? C'est a l'instant
de la conversion que lui apparait cette logique intrinseque qui le mene
de la religion a la litterature. La conversion est le sommet de sa vie
spirituelle: elle en marque le debut et lui en revele la fin, tout en
determinant sa religion. Au confluent de la grace divine et de l'ascese
humaine, elle accomplit aussi l'unite de plusieurs voies d'exploration:
histoire, histoire des idees, theologie, metaphysique, litterature,
esthetique. Utilisees a bon escient, ces disciplines intellectuelles se
conjuguent pour aboutir a un art de la conversion, qui n'est autre pour
l'homme qu'un art d'ecrire: sa conversion ne peut exister que par le
recit qu'il en fait, en prose ou en vers. Son cheminement represente une
methode de lecture destinee a lui enseigner le passage du sens litteral
au sens spirituel, de sa propre vie comme des Ecritures. Sa conversion
le transforme en poete, et le fait passer de la theologie a la
litterature. Il decouvre ainsi que lecture et ecriture sont les deux
versants symetriques d'une meme activite, et que, de son point de vue
humain, l'ars combinatoria de la conversion est avant tout un art du
livre. C'est pourquoi la conversion est par excellence le sujet de la
pensee analogique et metaphorique qui se developpe dans la litterature
anglaise du XVIIe siecle, et qui se concentre autour de la brillante
rhetorique des poetes metaphysiques. Ancienne eleve de l'Ecole Normale
Superieure (Ulm), agregee d'anglais, Elisabeth Soubrenie est maitre de
conferences a l'Universite de Pris-Sorbonne.