Comment rendre compte du langage et de ses effets, qu'ils soient de
verite ou d'illusion? Comment decrire les puissances de l'image,
qu'elles soient ouverture vers un ailleurs ou idole masquant le vrai?
Ces deux questions, Platon les pose de facon solidaire, comme en
surplomb de ces partages consacres par la tradition qui opposent sans
plus de precaution le sensible a l'intelligible, les figures poetiques
au discours rationnel, les artifices mimetiques du sophiste a la
rectitude linguistique du philosophe. Le present ouvrage s'attache a
defaire ces simplifications et a renouer le fil que suit Platon quand il
se sert de l'image pour penser le langage et du langage pour penser
l'image. Si, tour a tour, un des deux termes forme le paradigme de
l'autre, on s'est efforce de montrer qu'il s'agissait a chaque fois d'un
paradigme ambigu, signalant autant la proximite que l'ecart. La
proximite, quand les mots se lient au monde selon un rapport de
ressemblance ou de correspondance, chaque version de ce lien speculaire
etant antagoniste de l'autre. Paradigme qui revet enfin une fonction
ironique, peut-etre aporetique, a considerer du moins son application au
discours meme de Platon dont il eclaire la modalite expressive et
l'articulation en differents niveaux - noetique, physique, politique -,
tout en permettant d'affronter l'etonnant paradoxe d'une dialectique
sans images presentee avec force metaphores.