En 1995, le Pere Juan Nadal Canellas editait dans la Series Graeca du
Corpus Christianorum deux refutations, ecrites par Akindynos, d'une
oeuvre celebre de Gregoire Palamas, le "Dialogue d'un Orthodoxe avec un
Barlaamite". Le texte grec de la plus importante de ces Refutations,
ecrite en quatre traites, occupait non moins de 408 pages. De cet enorme
ensemble, le P. Nadal publie aujourd'hui une traduction francaise. Elle
fait l'objet du t. I, et on notera qu'en preparant cette traduction
l'auteur a pu, en plusieurs endroits, ameliorer le texte edite il y a
une dizaine d'annees.Quant au t. II, il presente, pourrait-on dire, le
cadre historique dans lequel les Refutations ont vu le jour. Akindynos
avait succede, apprenons-nous, a Theolepte de Philadelphie comme Pere
spirituel de la princesse Irene-Eulogie Choumnaina Paleologina. Devenue,
encore tres jeune, veuve de l'heritier de l'empire, celle-ci portait le
titre de "basilissa" et etait tres riche; toute devouee a son Pere
spirituel, elle l'encourageait et l'appuyait de toutes ses forces; elle
fit notamment copier ses oeuvres sur parchemin, ce qui les a sauvees. La
correspondance echangee entre Akindynos et Irene-Eulogie a egalement ete
conservee en partie et permet de mieux connaitre l'auteur des
Refutations et les conditions dans lesquelles il a travaille. La
chronologie des annees 1340 a 1345 est egalement eclairee. Apres la mort
inattendue d'Andronic III en 1341, on assiste a la montee en puissance
du ministre et futur empereur Jean (VI) Cantacuzene et du groupe
monastique inspire par Palamas, qui avait ses faveurs. Ces moines ne
craignaient pas de tenir des positions pour le moins etonnantes. De la
meme facon, disaient-ils, que durant tout l'Ancien Testament, seuls les
prophetes ont entrevu le mystere de l'Incarnation et que le commun du
peuple aurait trouve inacceptables les verites qu'a revelees le Nouveau
Testament, ainsi auusi aujourd'hui certaines verites sont revelees a
certaines personnes par la grace de l'Esprit, verites inconnues du
Nouveau Testament. Les Palamites pretendaient aussi, notamment, voir la
gloire essentielle de Dieu avec les yeux de leur corps "transformes par
l'Esprit-Saint". Palamas ne redoutait pas d'employer le meme mot de
"divinite" pour designer des realites fort differentes; on en arrivait
ainsi a parler de divinites multiples. De telles positions eveillerent
la resistance de plusieurs intellectuels, qui voyaient bien a quel point
le mouvement rompait, au moins dans l'expression, avec la tradition.
Akindynos fut de ceux qui denoncerent rapidement le danger. Mais parmi
ceux qui attaquerent les moines, il y eut aussi Barlaam, un Calabrais
qui, ne fut-ce que par ses origines, apparaissait comme lie a la
Latinite; ceci ne fit surement pas de bien au parti des antipalamites.
La lutte fut rude; il y eut des bagarres, des emprisonnements. Elle se
termina, en 1351, par le triomphe complet des palamites, mais, chose
etonnante, on constate qu'apres sa nomination au siege archiepiscopal de
Thessalonique (1349), Palamas, en tant que pasteur, ne semble plus
jamais avoir fait allusion aux idees qu'il avait promues auparavant et
qui avaient cause tant de debats et tant de malheurs.