Fichte, auteur marginal, repute obscur et souvent delaisse, a vu sa
gloire eclipsee par celle de Hegel. Celui-ci souhaita neanmoins reposer
pour l'eternite aupres de son aine. Fichte, par aversion pour toute
contrainte scolaire, fut si soucieux de ne pas entraver la libre
reflexion de son lecteur, et servit si mal la cause de ses glossateurs,
que tout le XIXe siecle allemand, et meme francais, finit, sans le
savoir, par parler sa propre langue, et par accomplir comme des actes
supremement personnels et novateurs ceux-la memes auxquels il avait
pourtant lui-meme invite. L'un des enjeux de la lecture ici suggeree est
d'etablir, a travers la continuite du projet fichteen de part et d'autre
de la ligne de fracture constituee par l'accusation d'atheisme, l'unite
originaire de la philosophie du moi et de la philosophie de l'absolu. Si
le philosophe chretien rejoint ainsi l'athee de rigueur, c'est qu'il y a
dans le christianisme, comme le note Gilles Deleuze, un germe d'atheisme
tranquille, la totalite de l'evenement christique enseignant a l'homme a
ne plus se vivre tout a fait comme une essence, mais plutot comme un
accident.