Les empiristes franco-berlinois, au XVIIIe siecle, ne concoivent pas
seulement l'experience comme l'origine des connaissances humaines, mais
aussi comme le principe de leur exposition systematique bien fondee: la
voie de l'invention, supposee partir de l'experience sensible, doit etre
convertie en une methode universelle, qui recoit le titre ancien
d'analyse. Or cette experience reside, non pas dans la passivite d'une
sensation introuvable, mais dans le moment ou l'esprit s'applique au
materiau donne et le manipule, c'est-a-dire dans la reflexion. Telle est
l'invention de l'empirisme, que l'histoire des philosophies reflexives a
recouverte et dont il faut produire la genealogie: la reflexion meme,
comme experience et comme lieu d'insertion de l'esprit dans
l'experience. Le probleme est de savoir si, concue dans ces termes, la
conscience empiriste peut atteindre le fondement des sciences
mathematiques qui, de droit, ne doivent pas rappeler leur origine
presumee dans l'experience sensible, faute de perdre la generalite et la
necessite qui determinent la valeur de leurs concepts. Les poles
distingues dans ce livre - un empirisme de la genese et un empirisme de
la constitution - revelent la veritable urgence d'oppositions
fondamentales en philosophie de la connaissance.