À partir des réflexions proposées par Freud dans le Moïse de
Michel-Ange, Joseph Vogl développe une théorie de l'indécision et
présente dans le même temps un véritable système pour explorer cette
notion dans toutes ses variantes et ses nuances: dans le glissement
synonymique entre hésiter, tergiverser, osciller, rechigner, chanceler
ou vaciller s'exprime un doute profond, une démarche inquiète, un recul.
Pourtant, la perplexité implicite de cette hésitation n'implique pas
tout simplement l'arrêt d'une action. Elle indique tout d'abord le seuil
imperceptible entre action et non-action, un interstice régi par la pure
contingence et la potentialité créatrice. En tant qu'acte de parole à la
fois impuissant et résistant, l'indécision introduit une temporalité
suspendue qui s'oppose au primat de l'acte posé par la culture
occidentale.
Pour Joseph Vogl, un événement est toujours inscrit dans un ensemble
stratifié formé par l'ensemble de ses variantes non réalisées. Sa
recherche esthétique et historique attribue ainsi à l'indécision une
place posée comme systématique: elle instaure une « méthode de
complication » par laquelle le pouvoir discursif des événements
historiques et politiques peut être interrogé et contenu. Considérée
comme une attitude face au monde et un geste de mise en question
radicale, la temporalité suspendue de l'indécision constitue enfin le
champ opératoire du discours lui-même.
Dans ce petit essai brillant et érudit, Vogl retrace une « anti-histoire
» de l'indécision qui apparaît surtout en littérature et prend corps à
travers les siècles dans les personnages d'Oreste, de Wallenstein, de
Joseph K., de Bartleby ou de l'homme sans qualités.